Interlude

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Edgar Morin a donné, en 2013, une série de 6 conférences pour le cinquantenaire de la Fondation Maison des Sciences de l'Homme, et le texte qu’il a rédigé pour reprendre son intervention m’est passé entre les mains … 

Bon, je savais déjà que je n’allais pas être déçu puisque les références de cette réflexion sont celles dans lesquelles je navigue depuis des années : les approches systémiques, la cybernétique et les phénomènes auto-organisés, la paléo-anthropologie, et la sociologie bien sûr … Je ne le fus pas, tant le texte est limpide pour aborder un sujet aussi difficile que la complexité des phénomènes liés au développement de la vie, de l’espèce humaine et de nos sociétés.

Je souhaite partager ce que j’y ai aussi découvert, avec étonnement, l’origine du mot "complexe" (complexus) : tissé ensemble, relié …

C’est étrange le pouvoir des mots, à la fois rigueur et poésie : cette capacité proposée à notre cerveau à faire se rapprocher des domaines pas toujours miscibles ... La notion de tissage de l’univers nous la connaissions déjà en physique avec le concept d’espace-temps (et peut être même davantage encore avec cette prodigieuse découverte que sont les ondes gravitationnelles) où, matière, énergie et vide forment le lien entre toutes choses ; et puis dans un tout autre domaine, celui des réflexions spirituelles, où le lien entre les individus et ce qui est plus grand qu’eux est le socle de nombreuses traditions.

Dans l'un de ses écrits (que je ne retrouve pas pour l’instant), François Roustang, parlant d’hypnose et de sa place de thérapeute, développe l’idée d’une position spirituelle laïque : chercher à comprendre sans que les théories ne nous leurrent sur notre ignorance, être réceptif à des phénomènes que l’on ne peut expliquer sans faire appel pour autant à des mythologies. Une position faite d’humanité et d’humilité.

Penser la complexité des choses, que ce soit celle qui relève de la génèse de l’univers, ou celle des êtres vivants, ou à moindre niveau celle de nos sociétés humaines, revient à penser à notre immense fragilité et à notre dépendance. En effet, ce que nous apprennent les sciences systémiques (qui abordent les interrelations dans un système) c’est que plus les choses sont des structures complexes plus elles sont reliées aux autres systèmes qui les environnent. L’univers, la vie, les hommes sont dans une relation d’interdépendance, et toute action à un niveau a des conséquences à un autre. La responsabilité qui nous incombe est immense ! Conscience, Connaissance, Imagination, disait quelqu’un ...

Ce week-end, à Montréal, un autre grand penseur des systèmes et de leur complexité est à l’honneur : Henri Laborit. Bruno Dubuc va y présenter son film : Sur les traces d’Henri Laborit. A défaut d’être au Québec, espérons que ce film arrivera chez nous bien vite !

Pour terminer, je voudrais laisser une méditation sur cette phrase d’Edgar Morin (page 35 de son livre) :

"On enseigne des connaissances, mais on n’enseigne jamais que la connaissance est une source permanente d’erreurs et d’illusions que l’on prend pour des certitudes, parfois pendant des siècles."


© Jean-Philippe Véron 2015