Doit-on encore appeler «hypnose» l’hypnose ?

Pas une semaine ne passe sans qu’un papier ne soit écrit, ou qu’un reportage ne soit diffusé à la télé, pour y parler d’hypnose … c’est vraiment «tendance» et bientôt ce sera un véritable marronnier, comme on dit dans les médias ! Bien évidemment ce qui fut mis au premier plan tout d’abord est ce qui attire : donc le spectacle (et Messmer en particulier qui remplit avec un vrai talent de très nombreuses salles, ou encore ce que l’on appelle «street hypnose» avec ces expériences tentées sur de simples passants en pleine rue !).

Progressivement, sans doute sous la pression de quelques professionnels, les sujets se sont voulus plus «sérieux» en évoquant les interventions chirurgicales sous hypnosédation, les prises en charge thérapeutiques (et leur dangers), et l’incontournable arrêt du tabac ! S’il faut des arguments, voici les articles que je trouve dans ma presse locale (la République des Pyrénées, excellent journal au demeurant), tous sous le signe du spectacle : ici, , ou encore ici … Et bien sûr, comme noius vivons une époque bien mercantile, ce tapage ne va pas sans le lot de formations en tous genres qui foisonnent et offrent à chacun la possibilité d’être un «hypnotiseur»  en quelques heures (ou plus simplement encore en suivant des cours par internet !).

Il n’y a rien à renier portant : pour celui qui s’intéresse à l’histoire, l’hypnose trouve ses origines dans d’anciennes pratiques que ce soit le chamanisme, le magnétisme (celui du véritable Messmer, le magnétisme animal), mais aussi dans le monde du spectacle (celui du docteur Lafontaine par exemple qui a influencé James Braid, et d’autres encore qui éveilleront l’intérêt de Charcot ...). Mais le débat n’est pas là !

Les fondements de la pratique de l’hypnose sont simples : aucun pouvoir spécial chez le praticien, il ne permet que d’activer un mode de fonctionnement particulier du cerveau (que presque tout le monde est en capacité de reproduire seul) ; pour y parvenir il suffit d’exploiter de façon particulière notre faculté d'attention ; l’essentiel repose sur une utilisation particulière de la communication ou chaque mot (qui est toujours une réalité dans l’esprit de celui qui l’entend) est exploité pour rendre service à la personne qui vient consulter. 

Le Dr Jean Becchio, à qui je dois l’essentiel de ma formation, fut invité il y a quelques temps à un colloque (portant sur l’intuition et le «6ème sens») pour y parler de ce qu’est l’hypnose. Cette  vidéo vient compléter mon propos :


L’hypnose n’est au fond qu’un outil … reste à savoir quelles mains l’utilisent ! (pour poursuivre cette réflexion je vous suggère aussi de lire l’excellent article du Dr Philippe Aïm, paru dans le blog du Huffingtonpost).

La seule question qui vaille pour un praticien est seulement d’offrir le cadre le plus adapté à son patient pour qu’il atteigne son objectif. Or, cette sur-(dés)information qui entoure l’hypnose agit comme une pollution : l’expérience se fait en regard des images vues et cette anticipation-attente de ce qui va se produire nuit à l’expérience elle-même ; et bien sûr il n’y a rien de commun entre des transes collectives et ce qui se passe sur le fauteuil d’un cabinet, mais l’imagination et les attentes magiques ont la vie dure !

En conséquence, doit on encore parler d’hypnose dans le cadre d’une pratique professionnelle ? La réponse est non pour ce qui concerne Jean Becchio qui préfère se tourner vers les résultats récents apportés par les neurosciences pour donner un cadre nouveau à la pratique. Il l’explique ici : une intervention réalisée en juillet dernier dans la continuité d’une formation (qui a le mérite de donner des repères historiques complets et quelques éléments de l’approche thérapeutique qu’il promeut).

Pour ce qui me concerne le mot hypnose ne me dérange pas, même s’il me faut maintenant passer beaucoup de temps à expliquer en quoi la pratique est bien différente de ce que les gens imaginent bien souvent ; tout comme il me faut jongler avec les attentes quasi miraculeuses qui entourent ce mot. Mais il me semble que c’est mon travail, tout autant que de prendre en compte les données récentes des neurosciences pour rendre plus efficace ma pratique ...

Récemment, François Roustang fut invité sur France Inter (encore une fois me voici obligé de citer l’émission La Tête au Carré …), c’est un délice de l’écouter parler de son métier d’hypnothérapeute (et d’entendre les multiples surprises de Mathieu Vidard ; on y parle aussi de thérapies brèves, mais j’aurais préféré que cette partie soit mieux abordée … on ne peut tout avoir!), mais je vous engage surtout à le lire !



Avec tous mes voeux de bonheur et de paix pour accompagner votre année 2016

© Jean-Philippe Véron 2015